Symboles du pouvoir au coeur de la capitale, les places royales parisiennes ont toujours été l’objet de récupération politique. La colonne Vendôme et sa folle histoire en est l’un des plus illustres exemples. Depuis la première statue au monument actuel, que d’évènements s’y sont déroulés !
Aujourd’hui mondialement connue pour être le centre parisien de la joaillerie et du luxe, la place Vendôme fut à l’origine commandée par Louis XIV pour être une vitrine grandiose des grandes institutions de la monarchie. Le projet fut finalement abandonné, et les terrains vendus à de grands financiers qui y firent construire les hôtels particuliers visibles aujourd’hui. Au centre, une statue équestre de Louis XIV, entourée par ce magnifique ensemble architectural, rappelait la prédominance royale. Mais en 1792, cette statue subit le même sort que toutes les autres statues des places royales : elle fut renversée, puis envoyée à la fonte.
En 1810, Napoléon inaugura à l’emplacement de cette ancienne statue la colonne actuelle, dédiée aux soldats vainqueurs d’Austerlitz (1805). Haute de 43 mètres, elle s’inspire de la colonne Trajane de Rome. Plus de 1200 canons pris aux Russes et aux Autrichiens furent fondus pour réaliser les plaques de bronze enroulées en spirale autour de la colonne relatant les exploits militaires de la Grande Armée, tandis qu’au sommet trônait une statue de Napoléon en Marc-Aurèle.
À la chute de l’empereur en 1814, la statue fut descendue, remplacée pendant la Restauration par un drapeau arborant une énorme fleur de lis. Double vengeance, son bronze fut fondu et utilisé pour reconstruire la nouvelle statue d’Henri IV sur le pont Neuf. Mais l’histoire ne s’arrête pas là !
En 1830, la nouvelle monarchie, conduite par Louis-Philippe, décide de remplacer le drapeau royal par un drapeau tricolore, plus conforme aux idées du moment… Puis, quelques années plus tard, c’est une nouvelle statue de Napoléon qui est installée sur la colonne Vendôme. Louis-Philippe, qui a toujours cultivé une image proche des idéaux révolutionnaires, souhaite ainsi faire revivre la figure du héros militaire. Napoléon n’est plus représenté en empereur Romain, mais en costume de “petit caporal” en redingote et chapeau. Cette statue restera 30 ans au sommet de la colonne, jusqu’à ce que Napoléon III, la jugeant indigne de son illustre prédécesseur, la remplace par… une nouvelle statue en empereur Romain !
Quant à celle érigée par Louis-Philippe, c’est celle que vous pouvez voir aujourd’hui dans la cour d’honneur des Invalides. Comment est-elle arrivée là ? C’est une autre histoire…
En 1871, lors de la Commune de Paris, les symboles du pouvoir et de l’impérialisme sont à nouveau très mal vus. La démolition du monument est votée sur proposition de Gustave Courbet, président de la Fédération des artistes de Paris. La colonne fut abattue le 16 mai 1871.
Quelques jours plus tard, l’armée versaillaise rentre dans Paris et renverse la Commune. Courbet est condamné à payer l’intégralité des frais de reconstruction de la colonne et sa statue, mais, exilé en Suisse, ne s’acquitta jamais de cette lourde dette. La IIIe République réédifia tout de même le monument.
Il n’a, depuis, plus bougé.
Quelle histoire !