Impossible d’imaginer aujourd’hui la place de la Concorde sans son obélisque. Un monument remarquable, fruit d’une histoire passionnante et d’un voyage rocambolesque jusqu’à Paris !
La Place de la Concorde, à l’origine, n’était pas destinée à mettre en valeur ce somptueux obélisque. Érigée au 18e siècle, cette place royale rendait hommage à Louis XV. La Révolution française remplaça la statue du roi par la guillotine, et Louis XVI, Marie-Antoinette, Charlotte Corday, Danton, Robespierre, et bien d’autres, y furent exécutés. Ce n’est que depuis le 25 octobre 1836 que la place accueille l’obélisque.
En 1829, le vice-roi d’Égypte, Méhémet Ali, offre à la France les deux obélisques que le pharaon Ramsès II avait élevés au 13e siècle avant notre ère devant le temple du dieu Amon, à Louxor. C’est Champollion, premier déchiffreur des hiéroglyphes et conservateur des collections égyptiennes au musée du Louvre, qui joue le rôle de médiateur entre les deux pays. La Révolution de 1830 qui éclate quelques mois plus tard, et voit Charles X être remplacé par son cousin, Louis-Philippe d’Orléans, ne remet pas en cause le projet.
Face aux multiples contraintes, il est décidé de ne ramener dans un premier temps qu’un seul des deux obélisques offerts, celui situé à droite de l’entrée (en regardant le temple). Pour transporter ce colosse de 230 tonnes, un bateau fut spécialement conçu, pensé pour être capable à la fois de naviguer dans l’Atlantique et sur la Méditerranée, remonter la Seine et le Nil, et passer sous les ponts de Paris. Un voyage qui dura sept longues années !
Arrivé à Louxor le 14 août 1831, les premières difficultés apparaissent. Après avoir emballé et abattu le monolithe de granit rose, il fallut le trainer sur 400 mètres pour rejoindre le Nil et le hisser à bord du bateau. Prêt en décembre, l’équipage dut attendre jusqu’au mois d’août 1832, et la crue du fleuve, pour repartir. Arrivé à Toulon dans la nuit du 10 au 11 mai 1833, l’obélisque atteint Paris le 23 décembre de la même année, après avoir été remorqué sur la Méditerranée, contourné l’Espagne, et remonté la Seine depuis Rouen.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là !
Une fois sur place, un nouveau problème apparait : un groupe sculpté sur le socle de l’obélisque représente des babouins qui se lèvent et dressent les pattes, laissant ainsi apparaitre leur sexe. Une exhibition qui choque la pudeur de l’époque. Impossible, donc, de poser en l’état l’obélisque. Le socle est envoyé au Louvre (toujours visible aujourd’hui) et un nouveau bloc de granit est commandé en Bretagne. Un voyage qui retarde, encore, l’installation définitive du monument…
L’inauguration a finalement lieu le 25 octobre 1836. 200.000 personnes sont présentes place de la Concorde pour assister au spectacle. Champollion, lui, est mort en 1832. Il n’aura jamais la chance de voir l’achèvement de son oeuvre. À 11h30 commence le travail de levage, grâce à un système de contrepoids élaboré par l’ingénieur Apollinaire Lebas. Tandis que 350 artilleurs actionnent la levée à la force de leurs bras, l’ingénieur reste volontairement sous l’obélisque. Il ne pourrait survivre à une faille de son sytème. Question d’honneur.
Quelques heures plus tard, la longue masse s’immobilise à la verticale. La famille royale, réunie sur le balcon de l’Hôtel de la Marine, applaudit, suivie par la foule. Au terme d’un périple de 9000 kilomètres, et qui aura duré pas moins 7 ans, l’obélisque du Louxor devient l’obélisque de la Concorde ! Daté du 13e siècle avant notre ère, il est depuis lors le plus vieux monument de Paris.
À noter enfin que, pour remercier l’Égypte, Louis-Philippe offrit en 1845 une horloge qui orne aujourd’hui la citadelle du Caire. Laquelle, au dire des Cairotes, n’aurait jamais fonctionné correctement ! Quant au second obélisque, il ne fut jamais rapatrié en France, rendu officiellement à l’Égypte par le Président François Mitterrand le 26 septembre 1981.