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Le Pont-Neuf, ancienne capitale des charlatans

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Achevé au début du 17e siècle, le Pont-Neuf était le plus extraordinaire des ponts parisiens. Un pont “neuf” car novateur, qui allait changer à jamais la physionomie de Paris. Premier pont à relier directement les deux rives de la capitale, premier également à ne pas supporter d’habitations, il devint le coeur battant de la ville, son poumon, son centre névralgique, où se concentrait autour d’activités diverses la population. Un cadre exceptionnel où ont régné en maître, jusqu’à la Révolution française, les charlatans.

Aux origines des charlatans

Avant de partir à leur rencontre, plantons le décor. Le Pont-Neuf est donc un pont ouvert, permettant pour la première fois dans l’histoire de Paris de passer d’une rive à l’autre sans être obligé de traverser la chaotique Île de la Cité. En bordure du pont, qui devient alors l’artère la plus fréquentée de Paris, s’installent sur des tréteaux comédiens, bouffons, jongleurs. Le meilleur moyen pour vendre ses remèdes est en effet d’attirer l’attention du promeneur, si possible en le divertissant. Derrière le saltimbanque se cache le commerçant.

Allant de places publiques en foires, celui-ci, s’il veut réussir à vendre ses pommades, élixirs de santé, et autres almanachs, se doit d’être inventif. Et sur le Pont-Neuf plus qu’ailleurs, tout se vend et s’achète dans une ambiance de kermesse. Même les dents que l’on doit se faire arracher.

Gerrit Van Honthorst, L’Arracheur de dents. Musée du Louvre

Depuis le 13e siècle, l’Église avait en effet interdit aux prêtres d’exercer tout acte de chirurgie. Cette interdiction d’une pratique exercée jusque-là majoritairement par les membres du clergé relégua la dentisterie à un rang inférieur. Si les médecins, qui étaient avant tout des savants formés à l’Université, restaient le privilège d’une clientèle riche et bourgeoise, le dentiste était donc un charlatan, c’est-à-dire un vendeur ambulant qui proposait ses services. En d’autres termes, tout le monde pouvait être dentiste.

Mais très peu de connaissance de l’anesthésie à l’époque, et de l’odontologie en général. Et la rage de dents est l’une des maladies les plus répandues dans le petit peuple. Pour faire oublier la douleur effroyable, il fallait donc rivaliser d’ingéniosité. C’est là qu’entrent en jeu nos charlatans du Pont-Neuf.

Les célèbres charlatans du Pont-Neuf

Le plus connu d’entre tous se faisait appeler le Grand-Thomas. Installé dans un char près de la statue équestre d’Henri IV (appelée à l’époque le Cheval de Bronze), il est resté comme le plus impertinent, le plus gouailleur des charlatans de Paris. Aux badauds qui riaient de ses promesses d’acte sans douleur, il répondait : “Vous riez pauvres gens! Vous ne savez pas qu’il faut cinq minutes pour faire un imbécile comme vous tandis qu’il faut vingt ans pour faire un charlatan comme moi !“.

Admiré par les parisiens, jalousé par les médecins et chanté par les poètes, on ne sait pas si c’est sa voix, qui s’entendait des deux côtés de la Seine, qui anesthésiait ses patients, où la pâte dentifrice qu’il proposait à la vente. Toujours est-il qu’il fut le plus populaire des arracheurs de dents du Pont-Neuf, qu’il retirait parfois à mains nues.

En 1729, lors de la naissance du fils de Louis XV, il annonça arracher gratuitement les dents pendant 15 jours pour fêter l’évènement. Après quoi il alla rendre hommage au couple royal sur un cheval somptueusement orné de dents enfilées les unes avec les autres.

Le Grand Thomas et son Académie d’opérations, Bibliothèque Nationale, Paris.

Du côté de la rue Dauphine, il y avait aussi un dénommé Barbereau, qui vendait une eau plus chère que le champagne, censée guérir un grand nombre de maladies. Cette eau n’était en fait rien d’autre que celle de la Seine, qui coulait à quelques mètres de là…

Mais les marchands les plus recherchés par les promeneurs du Pont-Neuf était les vendeurs d’Orviétan, médicament très réputé au 17e siècle qui venait d’Italie, et devait son succès autant à son origine étrangère qu’à sa composition, que les vendeurs gardait secrète. En France, il aurait été introduit pour la première fois par un italien, Hieronymo Ferranti, au début du 17e siècle sur le… Pont-Neuf !

Remède contre les poisons, les morsures de serpents et d’animaux enragés, ou même la peste ! , l’Orviétan connut un vif succès pendant près d’un siècle.

Enfin, pour clore cet inventaire – qui parait sans fin quand on le creuse, tellement le Pont-Neuf attirait de personnages originaux – citons Jean Brioché. Arracheur de dents du Pont-Neuf de son état, il captait sa clientèle grâce à des spectacles de marionnettes, mettant notamment en scène le célèbre Polichinelle, qu’il aurait été le premier à présenter au public français. Invité par Louis XIV à jouer à Saint-Germain-en-Laye en 1669, plusieurs générations de marionnettistes lui succédèrent.

Qui, malgré le succès, continueront tous à arracher des dents sur le Pont-Neuf.

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